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L’enseignement français hors de France est sous la responsabilité de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), dont le siège est à Paris. Cette agence dirige l’ensemble du dispositif mondial. Elle a, cette année, 25 ans. Pour discuter de cet anniversaire et de l’importance du réseau des établissements français à Madagascar, nous avons rencontré Jean-Daniel Chaoui, Conseiller consulaire représentant les Français de Madagascar et Conseiller élu à l’Assemblée des Français de l’étranger.
* Les nouvelles : L’AEFE fête ses 25 ans. Que représente l’enseignement français hors de France aujourd’hui ?
– Jean-Daniel Chaoui : Le réseau d’enseignement français à l’étranger est le plus important réseau scolaire du monde : ce sont 494 établissements dans 135 pays, 330 000 élèves dont 124 000 élèves français. C’est donc un outil éducatif sans égal au niveau mondial.
* On peut donc en déduire que la majorité des élèves ne sont pas Français, ce qui peut surprendre ?
– En effet. L’AEFE est sous la tutelle du ministère français des Affaires étrangères qui lui a assigné deux missions : scolariser en priorité les enfants français et faciliter la diffusion de la langue et de la culture françaises en accueillant les enfants des pays hôtes dans la limite des places disponibles et sur «examen d’entrée» afin de vérifier les aptitudes scolaires. C’est ce que l’on appelle «la diplomatie d’influence».
* Accueillir les familles malgaches qui peuvent «payer», car cet enseignement est «très cher» !
– C’est une réalité, cet enseignement est payant, d’un montant variable entre 2000 et 3000 Euros par enfant dans la Grande île, selon les établissements. Il faut comprendre que le réseau n’a pas pour objet de se substituer aux systèmes éducatifs locaux dont c’est la mission d’accueillir les nationaux. Les familles non françaises qui choisissent d’investir dans «une scolarité à la française» y consacrent des moyens financiers importants, c’est leur choix. La France n’a d’obligation éducative qu’envers ses nationaux. Les familles françaises se plaignent aussi de «frais de scolarité élevés» et en hausse constante, souvent supérieurs à l’évolution du coût de la vie. Je suis, en tant qu’élu, très sensible à cette problématique qui a fait l’objet très récemment d’un rapport au gouvernement par deux parlementaires français, en l’occurrence Claudine Lepage, sénatrice et Philip Cordery, député. Pour pallier cette situation, nous disposons d’un dispositif d’aide à la scolarité remarquable, pour les familles françaises, celui des bourses scolaires qui sont accordées sur dossier et en fonction du quotient familial. Le gouvernement a maintenu voire augmenté le montant de cette aide malgré les difficultés budgétaires de la France. C’est un effort qu’il faut saluer.
* Il existe plusieurs types d’établissements affiliés à l’AEFE dans la Grande île. Qu’est-ce qui les différencie ?
– Il existe en effet trois types d’établissements : les établissements à gestion directe (EGD), c’est le cas du Lycée français de Tananarive avec ses quatre écoles primaires. Ces établissements sont directement reliés et dépendant de la direction de l’AEFE parisienne. Les établissements «conventionnés» avec l’AEFE et dont la convention peut être dénoncée par les deux parties. Ces établissements sont gérés par une APE (Association de Parents d’Elèves élus). C’est le cas des collèges d’Antsirabe, de Tuléar, de Fianarantsoa, de Majunga, de Diégo-Suarez, du Lycée de Tamatave et de l’école Lamartine à Nosy-Be. Enfin les établissements «homologués» : ces derniers acceptent «un cahier des charges» imposé par l’AEFE dont le principal engagement est d’appliquer les programmes et les horaires de l’Education nationale française. C’est le cas des établissements privés homologués de Tananarive comme le Collège de France, La Clairefontaine, Peter Pan, l’école de l’Alliance Française d’Antsahabe, l’école de la Francophonie, mais aussi en province à Antalaha, Manakara, Manajary, Fort-Dauphin et Morondava. Le réseau AEFE à Madagascar est très complet et de grande qualité. A la rentrée 2014, il scolarisait 12 065 élèves dont 4572 élèves français (38%) dans 27 établissements. Ces diverses structures sont encadrées par des personnels administratifs et d’enseignement français mis à disposition par l’AEFE et par du personnel malgache formé à «l’enseignement à la française». Dans chaque pays, les services de Coopération et d’Action culturelle des ambassades de France sont en coresponsabilité veillant à la bonne marche du réseau local.
* Selon l’adage, «La mariée que vous nous présentez est trop belle» ! En quelques mots, quelles sont les faiblesses du système ?
– Je peux effectivement pointer du doigt quelques faiblesses, sachant que «le monde parfait» est une utopie. J’attends de la part de l’AEFE une amélioration de son action dans deux domaines : celui de «la réussite pour tous» et celui de «l’enseignement professionnel». L’enseignement français à l’étranger est trop exclusivement orienté vers l’excellence et l’élitisme, deux objectifs qui correspondent aux attentes des classes moyennes et supérieures qui représentent «la clientèle» ciblée économiquement. L’accompagnement des enfants en difficulté doit être plus affirmé dans la politique éducative de l’AEFE : mise en place de remédiations spécifiques, de classes dédoublées, d’un encadrement adapté et spécialisé, d’un rythme de scolarité plus étudié, bref une vraie priorité concernant une classe sociale fragile face aux études scolaires quand on connaît les conditions de logement souvent difficiles pour les familles modestes à Madagascar. L’enseignement professionnel relève de la même préoccupation. Tous les enfants ne se destinent pas à entrer dans les «classes préparatoires» des grandes écoles françaises et nous avons le devoir de penser à d’autres orientations adaptées à l’environnement professionnel. Cette problématique de l’enseignement professionnel est négligée globalement par l’AEFE, y compris à Madagascar. C’est une préoccupation que je défends dans la Grande île depuis ma première élection en 2009, sans être entendu jusqu’à ce jour.
* Pour conclure, vous avez publié récemment un communiqué de presse (en encart) qui exprime un mécontentement des élus locaux français à l’étranger vis-à-vis de l’AEFE.
– L’AEFE s’est placée, en effet, «en délicatesse» avec les Conseillers consulaires, par des décisions peu compréhensibles. Les élus représentent la population, ils ont un autre regard, une sensibilité et une responsabilité différente de celles des acteurs de l’école que sont les responsables administratifs, les enseignants, les parents d’élèves, les agents. Cette mise à l’écart des élus, même si elle est partielle, est inacceptable sur le plan des principes dans notre République française.
Propos recueillis par Jao Patricius