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La population de l’agglomération d’Antananarivo est appelée à doubler dans les 25 prochaines années, selon les projections démographiques. La ville subit de plein fouet les dysfonctionnements résultant d’une forte pénurie de logements. Aux quartiers privilégiés nichés sur les collines s’opposent les bas-quartiers dans les zones basses inondables où se sont installés spontanément des centaines de milliers d’habitants. Les constructions précaires prolifèrent par juxtaposition d’initiatives individuelles. Nombreux sont en situation foncière précaire, en raison de l’absence ou de la non-régularisation des titres fonciers prouvant la possession de la terre sur laquelle ils vivent depuis parfois plus de 20 ans. Les difficultés des autorités domaniales et communales à sécuriser les parcelles, à mettre à jour le cadastre, ainsi que la complexité, les coûts et les délais des procédures foncières, freinent toute tentative de régularisation de la part des habitants. Cette insécurité permanente n’encourage pas l’installation pérenne de familles qui ne souhaitent pas investir dans un logement qu’elles pourraient se voir confisquer ou démolir.
Une offre de logement insatisfaisante et marquée par la précarité
Avoir un habitat aux normes, c’est avoir un logement durable et décent, un cadre de vie attrayant, l’eau potable, l’accès aux facilités sanitaires améliorées et une sécurité d’occupation foncière. La superficie de la maison, le nombre d’étages, la distance entre deux maisons, la superficie et la topographie du terrain de construction, ainsi que sa connexion aux canaux d’évacuation d’eaux usées… Tous ces critères forment en général un plan d’urbanisme.
Or, les dernières statistiques sur la situation de la ville et des bidonvilles d’Antananarivo montrent que plus de 90% des maisons d’habitation ne répondent aucunement à ces critères de normes. Les urbanistes de la ville vont même jusqu’à utiliser le terme « alerte rouge » face à la formation accélérée des bidonvilles, aussi bien à Antananarivo que dans les autres villes du pays. Il est un fait, la Ville des Mille se trouve être la plus menacée par cette prolifération de constructions précaires. Dans l’ensemble de l’agglomération d’Antananarivo, les bidonvilles ne se regroupent pas en un même et seul endroit, comme dans les autres grandes villes également, mais se dispersent dans presque tous les fokontany. Pourtant, l’Etat reconnaît leur existence malgré l’absence de structure urbaine claire. A titre d’exemple, Ankasina, Andohatapenaka, Ampefiloha-Amdodirano, Andavamamba… sont tous des quartiers situés dans des zones inondables voire non-constructibles. Pourtant ils sont reconnus par l’Etat et recoivent même le statut de Fokontany.
Des études menées en marge du Programme participatif d’amélioration des bidonvilles (PPAB) montrent que plus de la moitié des maisons d’habitation, notamment dans la capitale, sont bâties sur des terrains au nom d’une autre personne. Cette insécurité d’occupation foncière fait également partie intégrante de la dénomination « bidonvilles ». Mis à part les problèmes d’assainissement, d’accès à l’eau potable et de sécurisation d’occupation foncière, Antananarivo fait face à une pénurie de logement durable. Si cinq cases sur dix sont construites en dur et deux en bois, ces habitations sont presque toutes exposées à la vulnérabilité car ne disposent pas des infrastructures nécessaires pour répondre aux normes. Remedier à ce probleme exige un grand effort de la part de l’Etat dans la mesure où seul un millième du budget de l’Etat est consacré à l’amélioration et l’assinissament de la ville alors qu’Antananarivo assure un rendement de 45% des ressources.
Insécurité foncière pesante
Les constructions illicites et en-dessous des normes prolifèrent partout dans le pays. Malgré cela, l’Agence nationale d’appui au logement et à l’habitat (Analogh) a évoqué l’année dernière le besoin immédiat de 950.000 logements pour résoudre ce problème. La démolition, notamment de ces constructions illicites vire souvent à des affrontements entre les propriétaires et les autorités. L’Etat semble accepter leur existence, peu importe le problème qu’elles causent à la communauté environnante.
Dernièrement, la Commune urbaine d’Antananarivo (CUA) et les autorités étatiques ont procédé à une grande opération de démolition qui concerne des centaines de maisons considérées comme constructions illicites. A Andohatapenaka, plus d’une vingtaine de maisons ont déjà été rasées et l’opération ne risque pas de prendre fin avant le mois de juin prochain. Les autorités justifient ces actions par la nécéssité et l’urgence de rendre opérationnels les canaux d’évacuation d’eaux usés avant la prochaine saison des pluies, et ce suite aux inondations de ces derniers mois. D’Ankadimbahoaka à Ambohimanarina, en passant par Andohatapenaka, Antohomadinika, Isotry, Ilanivato, Andavamaba, Anosizato, Ampefiloha, soit la plupart des bas-quartiers de la capitale, plus de 450 maisons sont concernées par cette mesure d’aménagement. Ce qui risque effectivement d’augmenter le nombre de sans-abris avec ces gens qui viennent de perdre leurs maisons lors des dernières inondations.
Loyers prohibitifs en ville
Entre 200.000 et 400.000 ariary de loyer mensuel, il est difficile, voire impossible pour une famille aux conditions de vie moyennes de trouver un appartement décent, avec le minimum de confort, dans la ville d’Antananarivo. La recherche d’un logement décent dans la capitale relève d’un véritable parcours du combattant. Les jeunes mariés qui démarrent leur projet de vie en savent quelque chose. Et avec 50.000 à 100.000 ariary, les locataires auront peut-être droit à une ou deux petites piéces juste bon pour installer une table et un matelas…
Le nombre de personnes à la recherche d’une maison à louer est en constante augmentation en ce moment. Les « mpanera » (intermédiaires) voient même tripler le nombre de consultations. C’est certainement un des secteurs les plus florissants en ce moment. La plupart d’entre ceux qui recherchent une maison à louer restent cependant insatisfaits en raison de la baisse du pouvoir d’achat et la hausse du loyer. Avec les intempéries de ces derniers mois, bon nombre de ménages choisissent même de quiter les zones inondables pour rejoindre des endroits plus ou moins sûrs. Et comme il fallait s’y attendre, propriétaires et loueurs saisissent l’opportunité pour faire des bénéfices.
Mais même les propriétaires de maisons, que ce soit des logements de moyenne gamme ou de bas de gamme, se trouvent dans des situations de plus en plus inconfortables. Ils ont de plus en plus de mal à se faire payer. La crise est bel et bien passée par là : pertes d’emplois en série, baisse des activités économiques qui a conduit au chômage technique, explosion du nombre des nouveaux sans-emplois… Bref, le pouvoir d’achat des ménages s’effrite à vue d’oeil.
Exode rural
Les statistiques qui définissent le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté ne semblent pas convaincantes pour refléter la réalité à laquelle font face la majorité des Malgaches. Et comme dans de nombreux pays en développement, les paysans quittent leurs terres dans l’espoir de trouver dans les villes une vie plus facile, à défaut d’être meilleure. Une situation qui expliquerait entre autres le boom du commerce informel dans la mesure où la meilleure façon de s’enrichir reste le commerce. Cet exode rural pousse des dizaines de milliers de nouvelles personnes vers la capitale qui implose et ne peut offrir à tout le monde emploi et logement. 10.000 personnes dont 6.000 enfants vivent dans les rues d’Antananarivo. Cette détresse sociale est peu prise en compte par le gouvernement, et les sans-abris sont « orientés » vers les portes de la ville. De nombreuses ONG luttent pour aider les sans-abris et des hommes, comme le Père Pedro, incarnent ce combat pour redonner à ces hommes un peu de leur dignité.
Selon le rapport de l’UN Habitat, Antananarivo compte 140.000 nouveaux venus par an. Ce phénomène d’exode rural augmente à une vitesse alarmante le nombre des bidonvilles, classant le pays dans la zone rouge en termes de formation des bidonvilles, avec un taux de croissance urbain de 4,6% par an, largement supérieur au taux de croissance nationale qui est de 2,9%.
On estime actuellement qu’Antananarivo abrite plus de trois millions d’habitants. Pourtant l’espace urbain est non seulement mal géré mais aussi mal maîtrisé. Un dédoublement de la population aura lieu d’ici 15 à 20 ans si des mesures ne sont pas prises au plus vite, notamment celles qui permettent de freiner l’exode rural. D’ici 2025, l’essor de la population urbaine est estimé à 45% soit un accueil de neuf millions d’habitants supplémentaires.
Les experts en développement rural ont d’ores et déjà avancé comme solution, le désengorgement de la capitale à travers le projet « Grand Tanà ». Elaboré depuis quelques années, le projet consiste en l’élargissement de la ville vers ses périphéries. Un défi énorme pourtant qui ne sera possible qu’avec des mesures d’accompagnement socioéconomiques comme la mise en place d’infrastructures publiques, des ressources d’emplois…
A Antananarivo, le total de l’offre légale de logements n’a pas dépassé le millier d’unités depuis des années. L’inexistence d’une véritable politique de logement, à l’échelle nationale comme sur le plan local, a favorisé le développement anarchique de tissus d’habitats caractérisés par une grande précarité. C’est ainsi que les espaces urbains se composent à 30% de quartiers informels, spontanés et non-structurés. Par ailleurs, l’accès au crédit demeure difficile pour l’ensemble des ménages. La fluctuation des revenus d’une grande partie des habitants, associée à l’absence quasi systématique de preuve formelle de leurs activités ou revenus, ne leur permet pas d’accéder aux crédits Habitat existant dans le système bancaire classique qui exige des garanties élevées.
Samy R.