
La « Seikatsu Kaizen » est une approche qui vise le changement de comportement et de mentalité d’une personne pour qu’elle devienne créative dans la recherche de solutions à tout problème identifié dans sa vie quotidienne et sociale. C’est « l’amélioration progressive et continue de la vie, à partir des ressources disponibles ». Il ne s’agit en tout cas pas d’injecter des fonds de financement, mais de faire adopter une approche développée par les propres moyens du bénéficiaire lui-même.
Bongolava est la première région de Madagascar choisie pour la mise en œuvre de l’approche « Seikatsu Kaizen » depuis 2008. Après un succès constaté dans la vulgarisation de cette approche, les promoteurs du programme ont décidé de l’étendre à d’autres régions comme le Vakinankaratra à partir de l’année 2014. L’Analamanga et l’Itasy leur a emboîté le pas depuis l’année dernière.
Dans les principales régions d’intervention de la « Seikatsu Kaizen », la majorité des populations vivent avec les mêmes problèmes identifiés au Japon dans leur ménage comme le déséquilibre entre les travaux des champs et la vie à la maison. Ces problèmes surviennent souvent pendant la saison des pluies ou pendant le début des travaux de culture ou à la rentrée des classes.
L’approche «Seikatsu Kaizen» cherche à promouvoir le développement rural afin de trouver un juste équilibre entre les tâches ménagères et les travaux des champs, pour que les deux activités soient complémentaires. Elle doit également permettre à chaque ménage qui l’adopte d’être autonome et de trouver des solutions aux petits problèmes et aux problèmes communs dans la société en utilisant les ressources locales sans attendre l’aide extérieure. Et au niveau institutionnel, il s’agit de renforcer la coopération entre les techniciens des directions administratives décentralisées.
On peut notamment utiliser la « Seikatsu Kaizen » dans tous les secteurs tels que l’éducation, la nutrition, la santé, l’agriculture, l’élevage ou l’environnement.
Approfondissement
Les exploitants agricoles qui ont participé aux différentes formations appliquent l’approche au sein de leur ménage. Ils ne se limitent pas aux seules techniques qu’ils ont apprises mais élargissent. Le point fort de l’approche est l’approfondissement et l’amélioration des techniques par les groupes eux-mêmes. L’amélioration continue toujours, que ce soit dans la création ou l’adaptation, et se schématise sous forme d’une spirale. Cela reflète que la population s’implique et fait des recherches, ce qui est un facteur de développement de la démocratie.
Système et processus
Le ministère de l’Agriculture et du développement rural est le département de tutelle de la mise en œuvre de l’approche «Seikatsu Kaizen» développée par la Jica à Madagascar. L’objectif est l’utilisation de l’approche dans toutes les régions, à l’instar des quatre régions-pilotes citées supra. L’extension à d’autres régions est à l’étude.
Le ministère de l’Agriculture ne travaille pas seul car le développement rural concerne plusieurs secteurs. C’est pour cette raison que dans les régions, prévalent une collaboration entre l’Office national de nutrition (ONN) et toutes les directions régionales de ministère présentes sur place, à l’instar du ministère de la Santé, le ministère de la Population, le ministère de la Jeunesse et des sports, le ministère de l’Eau, de l’hygiène et de l’assainissement, le ministère du Commerce, ainsi qu’une collaboration des autres projets et programmes avec les institutions de micro-finance.
Toutes ces entités se réunissent au sein du Comité consultatif afin d’établir le Plan de mise en œuvre annuel.
Quelques exemples d’activités réalisées
Une descente au niveau des différents sites d’intervention de l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica), qui se charge particulièrement de mettre en application l’approche « Seikatsu Kaizen’ dans l’Analamanga et le Vakinankaratra, vers la fin du mois de février dernier, a permis aux responsables de l’agence de constater de visu les avancements enregistrés par les ménages qui adoptent ladite approche.
Dans l‘Analamanga, le problème initial évoqué lors de la discussion était l’utilisation du bois de cuisson, un calvaire quotidien pour les villageois. Un volontaire japonais les a formés sur la production des briquettes ardentes et la fabrication de «charbon bozaka», type de charbon confectionné à partir de matières locales. Après avoir constaté des résultats rapides moins de dépense pour le charbon, propreté maintenue de la cuisine… – les paysans sont motivés.
Dans les deux fokontany d’Anosy et de Morarano à Ambohimanambola, une organisation paysanne regroupant une douzaine de ménages ont expérimenté l’amélioration de la nutrition et la conservation d’aliments. Ils ont par exemple amélioré la manière de préparer le manioc, la transformation du lait en fromage, le séchage de fruits … Par ailleurs, ils ont également investi dans la santé, l’hygiène et l’eau potable en construisant des latrines communes ou encore en forant des puits d’eau potable…
A Sahanivotry, à Antsoatany, à Antsapanimahazo dans le Vakinankaratra, les initiatives sont telles que les ménages ont adopté presque à l’unanimité l’approche « Seikatsu Kaizen ». A titre d’exemple, l’association Manaovasoa d’Ambatolahy-Sahanivotry dans le Vakinankaratra, qui regroupe 18 femmes et 21 hommes, a créé une caisse communautaire pour pourvoir aux besoins de chaque membre dans ses activités quotidiennes. En versant chacun 1.000 ariary par semaine dans cette caisse commune, et ce depuis au moins deux ans, ils sont parvenus à financer les projets personnels de chaque membre.
En effet, les membres peuvent contracter un emprunt auprès de l’association pour l’extension de leur projet d’élevage, par exemple, ou encore acquérir des matériels agricoles… Le montant du prêt ne doit toutefois pas excéder le triple du montant de la cotisation versée par l’exploitant depuis son adhésion à l’association. Le prêt doit être remboursé en trois mois avec un taux d’intérêt de 3% par mois.
Au vu de l’efficience de cette stratégie, les membres ont procédé à la valorisation d’une filière qui ne leur est pas inconnue, l’élevage de poulet « gasy » qui se présente aussi comme un énorme potentiel pour Madagascar. En effet, outre la riziculture, la majorité des membres de l’association Manaovasoa se sont spécialisés dans l’élevage à cycle court. Et grâce au fonds réuni dans ladite caisse communautaire, chaque producteur a pu améliorer ses activités tout en exploitant les ressources disponibles localement.
L’habitude des ruraux est, en effet, de dépendre de quelque chose ou de quelqu’un, d’attendre les projets, d’attendre un financement avant de se lancer dans une initiative, que ce soit une activité génératrice de revenus ou autre. Cette attitude change progressivement après que les groupements discutent de leurs problèmes fondamentaux avec les conseillers de développement rural (CDR). Progressivement, des initiatives naissent chez les paysans qui souhaitent exploiter de nouvelles activités, telles que l’élevage de poulet, jusqu’à la production de foie gras.
De bons résultats
Selon, Ayumi Takahashi, adjoint au représentant résident de la Jica à Madagascar, « Depuis la mise en œuvre de l’approche ‘Seikatsu kaizen’, nous avons enregistré de bons résultats par rapport aux activités réalisées par chaque paysan. Je suis vraiment fière de tous les pratiquants de l’approche ‘Seikatsu Kaizen’ parce qu’ils ont bien réalisé ce qu’ils ont voulu faire. On entend tous les jours dire que les Malgaches aspirent au changement. Cependant, il faut que vous essayiez de changer d’abord avec ce que vous avez déjà. C’est vraiment la mentalité du ‘Seikatsu Kaizen’ ».
« Quoi qu’il en soit, je suis vraiment confiante que tous les pratiquants pourront obtenir de meilleurs résultats que ceux déjà constatés, et des impacts très positifs. J’ai également constaté que les pratiquants sont très productifs, créatifs, innovants… J’espère ainsi que ça va changer quelque chose et contribuer au développement, non seulement dans les domaines spécifiques de développement mais pour l’ensemble du pays ».
« Depuis 2010, la Jica Madagascar a toujours soutenu diverses activités. Nous sommes sur le point d’élargir nos interventions dans de nouveaux sites, notamment pour la ‘Seikatsu kaizen’. Nous organisons chaque année des compétitions paysannes pour l’application de l’approche à chaque région. Nous soutenons toujours les efforts de chaque paysan pour contribuer au développement du pays ».
Les expériences du Japon
Après la Seconde Guerre mondiale, la population japonaise était tombée dans la pauvreté, nombreuses familles ont perdu un ou plusieurs de leurs membres, et des enfants japonais étaient devenus orphelins. Dans ce contexte, l’eau était souillée, tout en étant très difficile d’accès ; une épidémie de maladie suite à l’insalubrité faisait rage ; la malnutrition est devenu un phénomène courant avec simplement du riz et de la soupe comme repas ; les problèmes de santé et de fatigue ont surgi, rendant les travaux des champs très durs.
Sur le plan économique, l’Etat n’avait pas de budget, il n’y avait pas d’aide extérieure ; le déclin du secteur industriel était inévitable.
En 1948, une loi est promulguée pour améliorer l’agriculture et la vie paysanne. Le ministère japonais de l’Agriculture et des forêts a été désigné pour mettre en œuvre l’action de responsabiliser la population au développement. Cette approche, semblable à la ‘Seikatsu Kaizen’, est encore adoptée de nos jours dans les grandes sociétés comme Toyota au Japon.
Arh.