
L’un des points qui aura singularisé l’année 2015 dans le domaine de l’économie est l’instauration du dialogue privé-public. L’objectif est de consulter les parties prenantes sur les décisions importantes à prendre, mais apparemment et selon les dires de Noro Andriamamonjiarison, présidente du Groupement des entreprises de Madagascar (Gem), beaucoup reste vraiment à faire.
*Les Nouvelles : Où en est actuellement le dialogue public–privé ?
-Le dialogue public-privé est en panne. Il y a à cela des raisons de fond. On ne nie pas que les représentants de l’Etat ont la responsabilité de la gestion du pays, mais c’est le secteur privé qui est sur le terrain et qui connait et vit les problèmes. En tant que le secteur privé sera responsable, nous proposons toujours des solutions pratiques et réalistes pour résoudre les contraintes auxquelles nous faisons face, mais par méfiance, par manque d’implication, parfois par incompétence et malheureusement aussi pour la protection d’intérêts particuliers, le secteur privé n’est pas écouté.
*En fait, nombreux séminaires et formations ont été organisés à ce sujet…
-Malgré tout cela, l’administration n’a pas encore compris que dialoguer ne veut pas dire, j’écoute et puis je décide comme bon me semble. Dialoguer c’est entendre, écouter, comprendre, échanger et intégrer les bons arguments et les bonnes solutions s’ils sont techniquement étayés, pour parvenir à une décision qui aille dans le sens de l’intérêt général.
*Et ce n’était pas le cas en 2015…
-Malheureusement, le secteur privé a souvent l’impression qu’il est le seul à se soucier de l’intérêt général. Le dialogue public-privé tel qu’il est pratiqué actuellement est un dialogue de sourds et ne répond pas aux attentes du secteur privé. Et pourtant les pays les plus dynamiques sur le plan économique sont ceux où le dialogue public-privé est efficace et fructueux et où le partenariat est réel. J’ai pu le constater lors de mes différents voyages, en Côte d’Ivoire, en Ethiopie… Le Rwanda et même le Vietnam en sont également de bons exemples.
*A vous entendre, autant dire que rien n’a été fait…
-Si on se réfère à l’année 2015, j’aurais du mal à citer une décision réellement prise en concertation et qui aille dans le sens de l’amélioration du climat des affaires. En tout cas, sur les fameuses mesures que nous avons présentées, il y a le décret d’application de la loi sur les zones franches, et un début de solution dont on ne sait si elle sera satisfaisante pour les arriérés de TVA… La situation de la Jirama et d’Air Madagascar a empiré, la situation est toujours gelée pour ce qui concerne les permis miniers, le harcèlement fiscal se poursuit, voire s’intensifie selon certains de nos membres, au vu et au su de tous les responsables et même des PTF.
*Quel est votre opinion sur l’« Advance cargo declaration » ?
L’« Advance cargo declaration » (ACD) et le contrôle de deuxième rideau à la douane, portés par les mêmes promoteurs, sont une illustration de l’absence de dialogue (ne serait-ce que dans la mise en œuvre) et de la prévalence des intérêts particuliers sur l’intérêt général. L’arrêté sur le contrôle des changes a également été publié en l’absence de concertation préalable, si bien qu’il a fallu l’ajuster pour éviter les difficultés de mise en œuvre. Il y a eu aussi cet arrêté qui prétendait suspendre la campagne d’exportation de vanille, pour des raisons de recensement et qui, heureusement, a été rapidement annulé…
*Qu’attendez–vous exactement de l’Etat dans ce sens, notamment en ce qui concerne l’amélioration du climat des affaires à Madagascar ?
-Nous avons déjà fait part de nos préoccupations dans les différents secteurs et domaines ; au niveau du dialogue, ce que nous attendons de l’Etat c’est une écoute réelle et une volonté sincère de travailler avec le secteur privé pour développer ensemble l’économie de notre pays. Nous ne saurions nous satisfaire des sessions de dialogue formelles et stériles que nous avons eues par le passé, car nous avons des ambitions pour nos entreprises et partant pour notre pays.
*Le secteur privé a souvent dénoncé les harcèlements fiscaux ou encore le retard dans le remboursement de la TVA : que proposez–vous comme solutions à ces problèmes ?
-La solution au harcèlement fiscal passe à notre avis par une réforme de fond qui vise à responsabiliser les agents du fisc et leurs supérieurs. Cela commence au niveau du recrutement, en passant par la gestion des carrières et des affections, l’organisation des sanctions disciplinaires et également le système de rémunération, notamment la répartition des parts d’amende. Cependant, nous sommes persuadés qu’à court terme, quelques signaux forts de la volonté de sanctionner les dérives, donnés par les responsables suffiraient à amorcer un début de changement. Aujourd’hui, même les multinationales, qui sont cotées en bourses, et ont des engagements forts en terme d’éthique, se voient réclamer des paiements indus, sur la base de redressements fantaisistes comme nous les qualifions. Les responsables devraient déjà étudier ces quelques cas. Ils ne peuvent pas ne pas voir que techniquement ces redressements ne sont pas justifiés, s’ils sont objectifs.
*Et la TVA…
-Pour le retard de remboursement de la TVA, notre proposition est simple. Dans les premières années d’application de la loi sur les Zones franches, ces entreprises ne payaient pas la TVA à la frontière puisqu’elles en sont exonérées. Puisque l’Etat n’a pas la possibilité de rembourser, il faudrait revenir à cette solution et supprimer le paiement à la douane. De cette manière le problème sera résolu à l’avenir, mais le stock d’arriérés ne sera pas absorbé. Il nécessite une vraie solution car les capacités d’absorption de papiers de la dette publique par les banques sont limitées.
*Par rapport à la loi de Finances initiale 2016, les dispositions fiscales répondent–elles aux attentes du secteur privé ?
-Concernant la loi de Finances pour 2016, il y a eu une réunion, au cours de laquelle on s’attendait à discuter de nos propositions, puis le ministère n’a fait que nous informer de ses décisions. On nous a promis une session de discussion, alors que le soir même le projet était adopté en conseil des ministres. Cette loi ne répond pas à nos attentes, puisque nous considérons que nous n’avons pas été consultés. Il y a juste eu échange de propositions. A titre d’illustration, j’ai été reçue par le Patronat ivoirien, qui m’a informé de leurs pratiques dans ce domaine. Il y a un vrai travail main dans la main entre les deux parties pour tenir compte des projets du secteur privé, des impératifs de recettes fiscales, et des orientations gouvernementales. La Côte d’Ivoire a actuellement un taux de croissance à 2 chiffres, le changement est spectaculaire en termes d’infrastructures, de développement économique…
Propos recueillis par Arh.
Cet article Noro Andriamamonjiarison : « Nous attendons de l’Etat une écoute réelle et une volonté sincère » est apparu en premier sur NewsMada.