
Il n’y aura pas de réconciliation sans amnistie ! C’est logique, mais maintenant, il n’y aura pas de réconciliation ni d’amnistie sans le Conseil national de réconciliation (CNR). Comme si les efforts fournis et les étapes accomplies par le FFKM ne valent rien.
Controversé. Voilà comment on peut qualifier l’avant-projet de loi sur la formation du nouveau Conseil national de réconciliation (CNR), organe qui remplacera désormais celui instauré du temps de la Transition. Lors des assises nationales dirigées par le Conseil œcuménique des églises chrétiennes de Madagascar (FFKM) en mai dernier, des participants ont demandé la dissolution totale du FFM. Cependant, l’Exécutif en a décidé autrement en adoptant en conseil des ministres un décret portant création d’un comité d’experts chargé de réviser les textes, et de la refonte du FFM en mal de réussite. Au début, tout le monde trouvait cela normal et logique d’autant qu’au niveau du FFM, la réconciliation au sens propre est bâclée. Raison de plus de redonner un second souffle à l’institution en charge du dossier.
Le 2 décembre dernier, le projet de loi a été remis au président de la République. Il devra incessamment être soumis à l’Assemblée nationale pour adoption. Cependant, de source auprès de certains parlementaires de la Chambre basse, cet avant-projet de loi n’est pas encore entre les mains des députés et son adoption ne figure aucunement à l’ordre du jour de la session ordinaire de l’Assemblée nationale qui devra prendre fin le 18 décembre prochain. La teneur de cet avant-projet de loi est pour le moment indisponible.
Son adoption sera donc reportée à une date ultérieure. A ce sujet, des rumeurs sur la tenue d’une session extraordinaire en vue de l’adoption de certains projets de loi dont celle de la réconciliation nationale circulent actuellement.
Polémique
Mis à part les quiproquos sur la date de sa soumission à la Chambre basse, ce projet de loi en lui-même crée des controverses actuellement à cause d’un article sur l’amnistie. En effet, avec la nouvelle restructuration, le CNR aura les pleins pouvoirs sur l’octroi de l’amnistie. «L’avant-projet de loi en question donnerait alors une plénitude de pouvoir aux membres du CNR pour décider qui des requérants obtiendrait une amnistie».
Bien que le texte ne soit pas encore disponible, des sources concordantes ont confirmé cette grande innovation dans la mission du CNR. Si la feuille de route a auparavant bien défini la mission du FFM en limitant ses pouvoirs à la réception des requêtes et à les passer en instruction pour avis favorable, le comité d’experts juristes en a décidé autrement pour le CNR.
Si l’avant-projet de loi est adopté, la chambre spéciale au sein de la Cour suprême ayant pour mission d’émettre un avis final sur la question d’amnistie ne donnera plus qu’un avis consultatif, selon les termes juridiques.
La loi fondamentale bafouée
Pour justifier cette innovation, un membre du FFM parle de préservation de la paix et de l’ordre public. Une argumentation qui ne convainc pas du tout les juristes malgaches. En effet, pour la majorité d’entre eux, donner pleine latitude à une entité dont les membres ne seront pas forcément des experts en droit serait contraire à la Loi. D’après Sahondra Rabenarivo, «l’amnistie relève de la Loi et le pourvoir d’amnistier appartient au législateur». Elle poursuit en mentionnant l’article 58 de la Constitution, lequel stipule que «le droit de grâce appartient au président de la République».
Le pouvoir d’octroyer une amnistie revient donc soit au législateur soit au chef de l’Etat. Le contraire est hors-la-loi.
Le FFKM débouté et le CRN aux oubliettes
Avec cet avant-projet de loi, le pouvoir central définit le «vrai» rôle du réconciliateur officiel dans le pays qu’est le CNR. Il met ainsi sur la touche les chefs d’église au sein du FFKM qui durant des années, et ce malgré les critiques n’ont cessé de donner corps à la réconciliation. Et en dépit de tout, c’est-à-dire malgré l’existence de cet avant-projet de loi qui en quelque sorte est un signal fort adressé aux chefs d’église qu’il est temps de lâcher du lest. Or, ces derniers entendent toujours et plus que jamais instaurer la vraie réconciliation dans le pays et comptent aller jusqu’au bout de leur mission. Les résolutions de leur Congrès national qui s’est tenu à Antsiranana au mois de novembre dernier confortent cette position. La poursuite de la réconciliation au niveau régional est déjà au programme. Et pour ce faire, le FFKM change de stratégie en s’incrustant dans la vie quotidienne de la population car la réconciliation n’est pas seulement politique, elle est aussi sociale. Des actions en vue d’une restructuration de la société et de l’économie malgaches seront envisagées.
Et ce n’est pas tout. Avec l’officialisation du CNR, le projet de loi portant création du Comité national pour la réconciliation (CRN) serait alors en passe d’être jeté aux oubliettes, mettant aussi sur la touche l’ancien président Albert Zafy. Ce sont les participants aux assises du FFKM qui ont prôné la création de cette entité en substitution au FFM, considéré comme «une entité politisée».
Malgré cette volonté, le FFKM va devoir faire cavalier seul. Ayant été soutenue par les dirigeants, notamment le chef d’Etat au tout début, la réconciliation menée par le FFKM ne semble plus intéresser le pouvoir central. En effet, lors de l’élaboration du projet de loi sur la réconciliation, les quatre chefs d’église n’ont pas été consultés, même pas pour avoir leur propre opinion sur la question.
La priorité des priorités
En tout cas, le processus de réconciliation nationale est en marche, et le chef de l’Etat fait d’ailleurs de cette réconciliation sa priorité afin d’asseoir son pouvoir. La communauté internationale, elle, accorde une importance capitale à l’enclenchement de ce processus considéré comme étant un facteur indispensable à l’apaisement.
«La réconciliation est importante afin de garantir la stabilité du pays, ainsi que la consolidation du processus démocratique», a déclaré l’ambassadeur de l’Union européenne à ce propos. D’ailleurs, cette dernière s’est engagée à soutenir le président de la République dans ses démarches comme celle de réunir en un même lieu les anciens présidents pour trouver ensemble un terrain d’entente.
Le dernier mot appartient désormais au chef de l’Etat qui peut choisir entre réunir toutes les entités qui prônent la réconciliation nationale ou attribuer la mission officielle au CRM, au risque d’offusquer les autres.
Nadia
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