A moins d’aimer le théâtre classique, on se souvient rarement des œuvres étudiées en classe. Mais certaines répliques font une très belle carrière, hors contexte littéraire.
Rappelez-vous L’école des femmes : Agnès, élevée à l’écart de la société, préservée des vices et de la laideur du monde, fait la connaissance du jeune et charmant Horace. Mais elle doit épouser le vieux barbon Arnolphe. Ce dernier s’inquiète de cette rencontre qui contrecarre ses projets d’hyménée. Arnolphe veut savoir ce qui s’est passé lors de cette entrevue et demande à Agnès : « Quelle nouvelle? ». Elle lui répond ingénument : «Le petit chat est mort.», omettant fort à propos le souvenir du séduisant Horace.
Dans son journal, à la date du 14 juillet 1789, Louis le seizième a écrit : « Rien ». Que d’interprétations sur ces quatre lettres ! On a beaucoup commenté ce mot qui montrerait le manque d’intérêt du roi pour des événements qu’on appellera très vite révolution. Mais on sait depuis longtemps que ce « rien » signifie que ce jour-là, il ne s’était rien passé de marquant à Versailles, pas de chasse ni de cérémonie particulière. On sait également que c’est à partir de notes quotidiennes que Louis XVI rédigeait son journal, le mois suivant. Or en août 1789, la situation s’était déjà dégradée, à Paris comme à Versailles.
La semaine dernière, nous n’étions ni chez Molière ni à Versailles, mais la tragi-comédie s’est invitée jusque dans nos foyers avec la conférence de presse de Didier Ratsiraka. Suspendus aux lèvres de la star du jour, nous attendions patiemment le dénouement de cette mise en scène pas tout à fait comme les autres. Aurions-nous des révélations fracassantes sur le 11 février 1975 et le 10 août 1991 ? Cela nous aurait changé des vaudevilles et autres telenovelas qui font le sel de nos informations. Alors, quelle nouvelle, mister president? – Le petit chat est mort. Il ne nous reste plus qu’à lire «Didier Ratsiraka : Transition démocratique et pauvreté à Madagascar» et, pour agrémenter notre lecture, tomber incidemment sur le journal d’un témoin des événements que l’on pourra confronter aux différentes sources offertes par notre époque, autrement plus généreuse que le XVIIIè siècle en moyens d’information.
Aujourd’hui 21 août 2015 :
« rien ». C’est-à-dire des règlements de comptes qui nous feraient presque bailler d’ennui, une justice populaire chaque jour plus énergique – que l’on commentera avec hauteur, des profanations de tombeaux dans un pays qui vouait un culte à ses ancêtres.
«Antananarivo, août 2015 : le petit chat est mort». Ah non Agnès, on a un scoop : la première dame a changé de coiffure.
Kemba Ranavela
